« Ouf ! C’est fini des faiseurs et des baveux. Maintenant les clampins à 25 francs sont dans l’aquarium pour débiter des flanches. Vive la République ! Mais faut dire qu’ c’est un drôle de truc vot’ élection du Président au suffrage universel. On a essayé en 48. Badinguet s’est fait l’darôn, même qu’i’ passait d’vant l’Parlement tous les ans. Et nous, on a fait l’lapin. Mais on a compris la l’çon : en 71, pour la 3ème, surtout pas de Président au suffrage universel ! Fini les rois élus ! On en parlait avec Jules : si Boulanger avait eu ça, lui qui f’sait sa cour avec des droitiers, des gauchers et même des chevaux légers, sûr que cet ex-ministre « révisionniste » aurait fait des dégâts. Tout l’monde s’rait v’nu à la bectance, car comme disait Bruant : « Et pour avoir un portefeuille / Ils nous foutraient bien dans l’gachis ! ». Y’a p’us d’saisons. Allez, salut les aminches. »
Pour ceuss qui sav’nt pas l’largonji, v’là la traduc mes bourgeois.
« Ouf ! C’en est terminé des bonimenteurs politiques et des commentateurs. Désormais, les députés (souvent traités à l’époque de paresseux qui se contentaient de toucher leurs 25 francs d’indemnité journalière – note du traducteur) siègent et discourent à la Chambre. Vive la République ! Mais votre élection du Président de la République au suffrage universel me paraît assez bizarre. Nous avons eu cette situation en 1848. Le Prince Louis-Napoléon Bonaparte a été élu, et se présentait même devant le Parlement tous les ans. Et nous, nous en avons subi l’expérience désastreuse (faut-il rappeler que Louis-Napoléon Bonaparte se servit du suffrage universel et du plébiscite, sorte de référendum, pour prendre le pouvoir comme Empereur contre la République – note du traducteur). Mais nous avons compris la leçon : en 1871, pour la 3ème République, pas de d’élection du Président de la République au suffrage universel ! Finis les rois élus (faut-il rappeler que la méfiance des démocrates pour cette modalité de nomination du Chef de l’Etat s’est poursuivie dans notre histoire lors de la naissance de la 4ème et de la 5ème République, jusqu’au référendum d’octobre 1962 – note du traducteur) ! Nous en discutions avec Jules (probablement Jules Jouy, poète anti-boulangiste et ami du Docteur Julius) : si le Général Boulanger avait disposé de cette modalité électorale, lui qui rassemblait autour de lui des gens de gauche, de droite et même d’extrême-droite, il est probable que cet ancien Ministre « anti-système » (ce mot paraît actuellement le plus approprié pour traduire le terme de « révisionniste » – note du traducteur) aurait perturbé le pays. Nombre de gens seraient venus à lui, attirés surtout par les mannes du succès car, comme disait Aristide Bruant : « Et pour avoir un portefeuille / Ils nous foutraient bien dans l’gachis ! (il s’agit ici d’une citation extraite des souloloques d’Honoré Constant, fictif député de la Seine dans les écrits de l’auteur – note du traducteur)». Décidément, les choses ont bien changé. Je vous salue chers amis. »